Alexandre Borodine
est né à Saint-
Pétersbourg le 12
novembre 1833. Il
était le fils naturel
du prince caucasien
Lucas Guedianov
qui le fit reconnaître
par un de ses serfs
du nom de Porfiri
Borodine. Il fut
élevé par sa mère,
une Russe, Avdotia
Antonova, mais le
prince veilla toujours à ce qu’elle ne manque de rien
pour que son fils ait une vie confortable et une bonne
éducation. Il la fit épouser un vieux médecin allemand
du nom de Kleinecke et le jeune Borodine ne sembla
jamais marqué psychologiquement par sa bâtardise.
Dès son enfance, le jeune Borodine est tenaillé par
deux passions, la chimie et la musique, déclenchant
par ses expériences des débuts d’incendie, provoquant
des odeurs désagréables, en même temps qu’il
apprend à jouer du piano avec sa mère. Il apprend
le français, l’anglais, l’allemand et reçoit des leçons
de flûte, de violoncelle et de hautbois de la part
de pédagogues de fortune. Mais il apprend surtout
en autodidacte, déchiffre des transcriptions des
symphonies de Haydn et de Beethoven et, dès l’âge
de treize ans, compose un petit concerto pour flûte
et piano, un trio à cordes et même une polka ! Il
fréquente assidûment des salons de mélomanes où il
rencontre le compositeur Alexandre Serov et complète
ainsi ses connaissances musicales.
Ses parents décident de lui faire étudier la médecine
et en 1850, à l’âge de dix-sept ans, il entre à l’Institut
médico-chirurgical. Tout en faisant ses études, il
continue à composer, deux trios à cordes, un quatuor
pour flûte, hautbois, violon et violoncelle, un quintette
pour l’armé de terre, où il fait la connaissance, un
soir de garde, d’un jeune officier nommé Modeste
Moussorgski ! Mais son naturel extrêmement sensible
faisait qu’il s’évanouissait chaque fois qu’il voyait un
blessé. Il finit par démissionner et se tourne vers la
chimie en obtenant d’abord un poste de préparateur
puis une chaire de professeur de chimie en 1864.
Entre-temps, en 1861, il fait la rencontre d’une pianiste
amateur brillante qu’il épouse en 1863. C’est l’époque
de sa rencontre avec Balakirev, fondateur de Groupe
des Cinq qu’il rejoint dès 1862. Il compose sa première
symphonie entre 1862 et 1867, qui obtient un énorme
succès en 1869. Il s’installe avec son épouse dans
un appartement de fonction de l’Académie médicochirurgicale,
dans lequel il reçoit de façon généreuse,
sympathique et amicale, des parents pauvres ou de
passage, des amis en détresse ou malades, voire des
aliénés qu’il soignait et même des chats errants ! Et
cela ne l’empêche absolument pas de composer ou de
s’occuper de ses cornues.
Dès lors, sa vie se partage entre la chimie, la musique
et la philanthropie, il se livre à une activité épuisante,
ce qui explique peut-être le caractère restreint de
sa production musicale. Il ne compose qu’en hiver,
lorsqu’il est trop épuisé pour enseigner et se considère
donc comme un « musicien du dimanche » selon sa
propre expression. Dans les années 1867 à 1869, il
compose une farce musicale, sorte d’opéra parodique,
Les Preux et quelques mélodies, ainsi que des études,
des préludes et des sonates pour piano.
Il commence à composer en 1869 son oeuvre
maîtresse, l’opéra Le Prince Igor mais cette oeuvre de
structure italienne, découpée en airs, duos, récitatifs…
reste inachevée à sa mort et sera terminée par Rimski-
Korsakov et son élève Glazounov, pour être créée
seulement le 23 octobre 1890. Les fameuses Danses
polovtsiennes sont extraites de cet opéra qui fait
encore aujourd’hui figure d’opéra national en Russie.
Il ne saurait être question ici de raconter le synopsis de
l’opéra, mais son audition procure un immense plaisir.
Sa deuxième symphonie est écrite entre 1869 et
1876 et sa troisième reste inachevée et sera terminée
par Glazounov. Quant à son très beau tableau
symphonique Dans les steppes de l’Asie centrale, dédié
à Franz Liszt qu’il rencontre en 1877, il date de 1880.
Il y démontre une maîtrise du contrepoint inimitable
en utilisant des mélodies russes et des rythmes très
souples pour évoquer le voyage d’une caravane à
travers les steppes.
Mais il est surtout un savant de renom, invité
à des congrès. Il publie plusieurs articles sur la
transformation des corps azotés et la solidification des
aldéhydes. Il crée en 1872 une école de médecine pour
les femmes, ce qui était remarquable pour l’époque
et y consacrera beaucoup de ses forces restantes. Il
souffrait en effet de problèmes cardiaques et attrape
même le choléra. Il est profondément affecté en 1881
par la mort de Moussorgski.
Ses dernières oeuvres sont, entre 1884 et 1885, après
avoir obtenu beaucoup de succès en France et en
Belgique, une mélodie satirique L’Orgueil d’après un
texte de Tolstoï, une petite suite pour le piano, pour
lequel il n’a pas beaucoup composé et un scherzo.
Le 15 février 1887, Borodine organise avec ses élèves
de l’Académie un bal costumé. Au milieu d’une
conversation, il s’écroule brutalement, foudroyé
en quelques instants par rupture d’un anévrysme
cérébral. Son épouse ne lui survivra que quatre mois
et meurt en juin de la même année.
Dans le mince catalogue d’oeuvres musicales
de Borodine, il n’existe rien de faible. Ses qualités
professionnelles étaient remarquées et sa musique
se caractérise par une très grande vigueur,
l’ampleur du souffle, une fraîcheur et une netteté
dans la description et le qualificatif d’ « épique » lui
convient parfaitement. S’inspirant du folklore russe
et d’harmonies orientales, Alexandre Borodine a su
concrétiser l’expression nationale et même européenne
comme un maître de l’épopée qu’il était. Il reste un
touche-à-tout d’envergure.
MGI (2eS) H. BOURGEOIS,
Président de la SEVG