HISTOIRE RESUMÉE DE LA SAVG
Extrait du Lyon-Val N° 3 de décembre 1965
Naissance laborieuse que celle, il y a cinquante ans de
la Société amicale des Élèves et anciens Élèves du Val-de-Grâce.
En 1913, il existait deux associations d’anciens
médecins militaires : les anciens de Strasbourg et la
Fraternelle du Caducée.
L’Association amicale des anciens étudiants de
Strasbourg a été créée, en 1872, par le Dr Bouloumié
dans le but de cultiver la mémoire des pays annexés
jusqu’au jour de leur retour à la France. Chaque année,
ses membres, en majorité d’anciens élèves de l’École
du Service de Santé Militaire, se sont réunis dans des
banquets qui eurent lieu à Paris et à Nancy puis à Paris
seulement. Des annuaires furent publiés par les soins
du Dr Morin, secondé par le Dr Granjux. On y trouve
le texte des allocutions prononcées, des poésies dites
par les convives et maints souvenirs des épisodes de la
vie de l’École du Service de Santé pendant le siège de
1870.
Les premières assemblées furent nombreuses mais
le banquet de 1913, le dernier avant la guerre, n’en
comptait qu’une vingtaine sur les 400 membres
inscrits, encore vivants.
Un pèlerinage à Strasbourg, du 11 au 13 juin 1919,
fut le dernier acte de l’association et mit fin à son
expérience par la réalisation de son voeu le plus cher :
le retour de Strasbourg à la France.
En octobre 1900 un certain nombre d’anciens
médecins et pharmaciens de la Guerre, de la Marine
et des Colonies, groupés grâce à l’initiative des
docteurs Accolas et Baudot fondaient la « Société
amicale des anciens médecins et pharmaciens des
armées de terre et de mer ». À l’assemblée générale
du 9 mai 1902, ce titre fut remplacé par celui de
« Société fraternelle du Caducée ». Le Dr Granjux
faisait partie du bureau aussi était-il normal que le
journal « Le Caducée », dont le Dr Granjux (encore)
était le rédacteur en chef, lui ouvrît ses pages.
Ce journal, qui parut de 1901 à 1920 et que tous
nos anciens ont bien connu, était une revue de
médecine et chirurgie d’armée publiant des travaux
de médecins d’armée (guerre, marine, colonies)
français et étrangers.
Cette Fraternelle du Caducée, avant tout société
d’assistance mutuelle sur le plan professionnel, a pris
maintes reprises la défense de la médecine militaire.
En 1905, par exemple le Dr Granjux était secrétaire
général du « Comité de défense de la médecine
militaire ».
Les différentes Écoles militaires avaient déjà constitué
leurs associations amicales; la dernière, celle des
Anciens élèves de l’École de Bordeaux datait de 1911.
Rien de tel encore pour Lyon ou pour le Val-de-Grâce.
Redonnons la parole au médecin Inspecteur Général
Vaillard : « Enfin la voilà donc à terme et bien viable
cette union fraternelle des médecins et pharmaciens de
l’armée dont la gestation était si lente à venir ! Maints
d’entre nous l’avaient vainement poursuivie. À Lyon
d’abord, puis ici même pendant que j’avais l’honneur
de diriger nos deux Écoles, je jetais, après d’autres
la semence de cette solidarité en vue du bien à faire,
incitant nos jeunes camarades à prendre l’initiative
de l’oeuvre généreuse à réaliser. Efforts stériles, rien ne
germait. À vrai dire, j’avais pris sans doute la chose à
rebours. La jeunesse est insouciante et fuit les soucis…
Pour réussir il fallait s’adresser, non pas aux débutants
de la carrière, mais aux aînés qui connaissent par
l’expérience de la vie les déboires et les malheurs
dont sa trame est tissée. Ainsi ont fait les heureux
procréateurs de la Société Amicale que vous allez
définitivement consacrer, et ils ont magnifiquement
réussi » (Allocution à la première assemblée générale).
Il semble que les premiers animateurs aient été le
Médecin principal Sabatier, chef de la Section
technique et le Médecin Inspecteur général du cadre
de réserve Viry, épaulés par le Médecin inspecteur
Vaillard, président du Comité consultatif de Santé et
les directeurs des Écoles de Lyon et du Val-de-Grâce
(les Médecins Inspecteurs Hassler et Mignon).
Une lettre circulaire fut envoyée en juin 1913 à
différentes personnalités, surtout des aînés ou des
anciens, définissant les buts de la future association :
« Le but de la société serait d’entretenir et de resserrer
entre ses membres les liens d’amitié et de camaraderie;
de relier successivement les promotions nouvelles
aux promotions antérieures; d’assurer aux plus
jeunes l’appui moral des anciens et de venir en aide
pécuniairement à ceux de ses membres ou à leurs
familles qui se trouveraient malheureux ou dans le
besoin; enfin d’honorer la mémoire des officiers du
Corps de Santé Militaire décédés et particulièrement de
ceux d’entre eux qui ont été la gloire du Corps ou qui
sont morts victimes du devoir ». Comme on le voit, ces
buts n’ont pas varié et la Société amicale s’est efforcée
d’y rester fidèle. Les réponses furent pour la plupart
enthousiastes.
Toutes ces démarches furent assez confidentielles. Sans
doute peut-on supposer que le mystère qui semble
avoir entouré les débuts de l’Amicale traduisait une
certaine méfiance à l’égard d’une personnalité peutêtre
trop… envahissante.
Quoi qu’il en soit, cette gestation – vite apprise – causa
émoi et inquiétude parmi les « caducéens », ainsi qu’en
font foi entrefilets dans le Caducée, lettre circulaire
invitant à l’expectative et réunions du bureau de la
Fraternelle du Caducée. Mais tous n’étaient pas aussi
méfiants et l’un des fondateurs de l’amicale de 1901,
le Dr Baradat, donna aussitôt son adhésion à la Société
en formation.
Celle-ci prenait forme peu à peu et s’officialisait. Un
conseil d’administration et un bureau provisoires
se constituaient, et le Médecin principal Lafeuille
rédigeait un projet de statuts et de règlement intérieur.
La déclaration d’association, en conformité avec la
loi du 1er juillet 1901 était déposée à la Préfecture de
Police le 31 octobre 1913 et le Ministre de la Guerre,
par décision du 5 décembre 1913 autorisait les officiers
en activité de service et les élèves de l’École du Service
de Santé à adhérer à la Société. Le bureau cependant
ne devait comprendre que des personnalités qui
n’étaient plus en activité.
Les fondateurs auraient souhaité la dénomination
de : « Société des Élèves et anciens élèves des Écoles
du Service de Santé Militaire », mais « l’autorité
n’admettant pas le groupement de plusieurs Écoles »
on dut faire figurer seulement le Val-de-Grâce et il
fallut attendre l’Assemblée générale du 15 mars 1937
pour voir apparaître mention de l’École de Lyon sur
le titre actuel de l’Amicale.
Il fallait enfin choisir un siège social : le Val-de-Grâce,
l’Union des Femmes de France offraient l’hospitalité
à la jeune Société. Finalement fut choisi l’Institut
de Vaccine animale, 8, rue Ballu, que dirigeait le
Dr Fasquelle, trésorier de la Société. C’est à partir de
1916 seulement que le siège social fut fixé au Val-de-
Grâce.
La première Assemblée Générale eut lieu le 15 mars
1914 au Val-de-Grâce, sous la présidence du
Médecin Inspecteur Général Vaillard, en présence
du représentant du Ministre et des bureaux de la
Fraternelle du Caducée et de l’Union fédérative des
Médecins de réserve et de l’Armée territoriale.
Le vote confirma le conseil d’administration dans ses
fonctions et une séance de projection « inaugurant au
Val-de-Grâce l’enseignement par le cinématographe »
termina la réunion.
Le conseil d’administration se réunit à son tour pour
désigner le premier bureau :
- Président : M. Viry, médecin inspecteur C.R.
- Vice-présidents : MM. Cateau, médecin inspecteur
- C.R.; Masson, pharmacien inspecteur C.R.
- Secrétaire général : M. Würtz.
- Trésorier : M. A. Fasquelle.
- Secrétaires : MM. Montalti, Bailliart.
Un mois plus tard le Conseil d’Administration désigna
ses membres correspondants en province et décida
de la représentation dans le conseil des stagiaires du
Val-de-Grâce et des Élèves de l’École de Lyon. Une fête
de bienfaisance devait être organisée en mai ou juin,
puis elle fut reportée à une date ultérieure.
D’ailleurs août 1914 était là et la guerre mit la jeune
Amicale en demi-sommeil.
Deux ans plus tard, le 20 avril 1916, eut lieu la seconde
Assemblée générale sous la présidence de M. Justin
Godart, sous-secrétaire d’État du Service de Santé. La
société comptait alors 855 adhérents. Le président Viry
réclame dans son allocution « l’effectivité du grade »
pour les officiers du Service de Santé et estime que
le moment est venu de demander la reconnaissance
d’utilité publique de la Société.
Les démarches voulues furent aussitôt entreprises
et par décret du 2 février 1917 cette reconnaissance
d’utilité publique était acquise.
Vint ensuite (2 février 1917) la constitution d’un
conseil judiciaire, présidé par M. Maurice Bernard,
avocat à la cour d’appel de Paris et constitué par
huit juristes, officiers d’administration du cadre de
complément. Ceci attira une véhémente protestation
du Caducée qui y voyait une preuve de plus de
« l’infiltration lente, mais continue des officiers
d’administration dans la Médecine militaire ».
Le 26 mars 1917, M. Sabatier fait connaître au
Conseil d’Administration que le Sous-secrétaire
d’État du Service de Santé avait décidé que la
Société aurait la jouissance d’un local au Val-de-
Grâce.
À la même réunion le président fait part d’une lettre
du Président de la Société immobilière de la banlieue
de Paris qui serait disposé à faire abandon à la Société
du château de la princesse Mathilde, à St-Gratien. Mais
la Société n’était pas financièrement en mesure de
faire face aux frais d’aménagement et d’entretien de ce
château et la proposition fut rejetée.
La Société ne devait retrouver sa pleine activité qu’en
1919. Il fallait reconstituer l’annuaire, faire rentrer les
cotisations, trouver des fonds pour faire face à maintes
détresses.
Il fut admis, contrairement aux décisions antérieures
que des secours pourraient être attribués à des
familles dont le chef, tué à l’ennemi, n’était pas
inscrit à l’Amicale.
Un Comité de Dames fut constitué en 1920 (article
II du règlement intérieur) et cette création reçut
l’agrément du Ministre le 21 mai 1920. Ce Comité
se mit à l’oeuvre avec ardeur et la première vente
d’entraide fut prévue pour le printemps 1921.
Une des plus importantes entreprises de cette
époque fut la réalisation des plaques de marbre,
destinées au cloître du Val-de-Grâce et portant les
15 noms des Officiers du Corps de Santé morts pour la
France pendant la guerre. Le comité du monument
commémoratif de la Faculté de médecine ayant
refusé de s’associer à cette réalisation, il fut décidé,
après maintes discussions, et à regret, d’y faire
figurer seulement les noms des officiers d’active.
Il fallut récolter des fonds, établir la liste avec
minutie et scrupule… Enfin le 29 mai 1922 ce fut
l’inauguration de ces plaques commémoratives en
même temps que celle du groupe de brancardiers,
oeuvre du sculpteur G. Broquet, offerte au Val-de-
Grâce par la Ville de Paris.
La cérémonie, émouvante, fut présidée par
M. Millerand, président de la République, en présence
de nombreuses personnalités.
De son côté, le Comité des Dames se montrait très
actif. La vente des 23 et 24 avril 1921, dans les locaux
du Cercle interallié fut un beau succès, de même que
le « thé dansant » du 5 février 1922. C’est ce même
Comité qui prit en 1921 l’initiative de faire célébrer,
chaque mois, une messe à la Chapelle du Val-de-
Grâce en souvenir des morts du Service de Santé;
mais le bureau de la Société refusa de prendre ce geste
pieux à sa charge, estimant qu’il devait conserver une
stricte neutralité religieuse et qu’une cérémonie dans
les églises de chacun des trois cultes dépasserait les
possibilités financières de la société.
En novembre 1933, cependant cette messe
mensuelle fut remplacée par la messe annuelle
organisée depuis par l’Amicale.
En 1922, le Médecin inspecteur général Viry avait
77 ans et il estima que le moment était venu de laisser
la présidence de la société à plus jeune que lui; c’est
au Conseil d’administration du 9 janvier 1923 qu’il fit
part de sa détermination. Le vote qui eut lieu désigna
pour le remplacer le Médecin inspecteur général Sieur
qui venait de passer dans le cadre de réserve. Laissons
la parole au secrétaire général : « […] À cet instant
même, M. le Médecin Inspecteur Général Sieur, retenu
un peu tardivement à l’Académie de Médecine, fait
son entrée dans la salle de séance. Les membres du
conseil se lèvent pour l’accueillir au milieu d’eux, et
le secrétaire général lui fait connaître le résultat du
scrutin qui le nomme président de la Société amicale.
M. Sieur accepte et vient occuper la place que lui cède le
vice-président. Il remercie du choix dont il a été l’objet,
et rend hommage à M. Viry dont il suivra l’exemple
pour assurer la prospérité de la Société. »
Le médecin inspecteur général Sieur devait occuper
ce fauteuil pendant 22 ans et laisser à l’Amicale une
empreinte durable.
Son oeuvre, tenace et patiente, porta sur le plan
de ce qu’il appelait lui-même « le respect dû à
la mémoire de nos aînés » mais il mit surtout
l’accent sur la tâche plus vaste et plus humaine de
l’entraide, des secours aux veuves et aux orphelins
de nos camarades disparus, des prêts d’honneur,
des primes de naissance, du fonds de bienfaisance
destiné à secourir les familles nécessiteuses dont le
chef ne faisait pas partie de la Société.
Pour atteindre ce but d’entraide, il fallait emplir la
caisse du trésorier. Les cotisations étaient insuffisantes
et rentraient mal (et c’est un souci constant au long
des années…). Les ressources principales, à côté de
quelques dons généreux, devaient provenir de la vente
annuelle qui en mai 1923 eut lieu pour la première
fois dans le cloître du Val-de-Grâce. En 1925 devait
s’y ajouter le bénéfice réalisé à l’occasion du bal de
l’École de Lyon, soirée qui, depuis, prolonge la fête
traditionnelle des Santards.
Des secours purent ainsi être attribués chaque année,
trop faibles au gré du Conseil d’administration et
aussi, à partir de 1924, quelques prêts d’honneur.
Pour aider les jeunes, il fut décidé en 1937 de verser
au moment de la naissance d’un enfant une modeste
somme à chaque ménage de médecin stagiaire au
Val-de-Grâce ou d’élève de l’École de Lyon.
Pendant toutes ces années de l’entre-deux-guerres
l’autre but de la Société ne fut pas négligé :
Une plaque de marbre portant les noms des officiers
du Service de Santé morts au Maroc depuis 1907, en
Afrique du Nord ou au Levant depuis 1914 a été placée
dans le cloître du Val-de-Grâce (1925).
Lors de la célébration du centenaire de Villemin, la
Société a fait apposer une plaque sur la maison où il
est mort (1928).
De même, en janvier 1928, elle s’est associée à la
faculté de médecine de Strasbourg pour célébrer le
centenaire de Koeberlé et rappeler à cette occasion
le souvenir des anciens élèves de l’École du Service
de Santé de Strasbourg, les « carabins rouges ».
Trois plaques ont été apposées par ses soins : deux
à l’hôpital militaire Gaujot et, la troisième, place du
château, sur le bâtiment de l’ancienne École.
Profitant de la réunion, à Paris du premier Congrès
d’aviation militaire, la Société a fait sceller dans le
cloître du Val-de-Grâce une plaque en souvenir du
médecin principal Robert Picqué mort en allant en
avion au secours d’un malade (1929).
Elle a ensuite, fêté en 1931 le cinquantenaire de la
découverte de l’hématozoaire par Laveran, fait don
au Musée du Val-de-Grâce du médaillon représentant
l’effigie de Laveran et obtenu de la ville de Paris que
le nom d’Alphonse Laveran soit donné à la place qui
s’étend devant la grille du Val-de-Grâce.
Ce fut encore l’inauguration, en 1934, du monument
aux morts du Service de Santé de l’Armée d’Afrique à
l’hôpital Maillot, à Alger.
En 1939 enfin la Société a participé au cinquantenaire
de l’École de Lyon et pris à sa charge la frappe et la
vente de la médaille commémorative due au talent de
M. Muller, grand prix de Rome.
Et ce fut de nouveau la guerre… Jusqu’en mai 1940
la Société fonctionna à peu près normalement. En
mai, les archives furent transportées à Limoges au
dépôt du magasin central du Service de Santé, mais
les objets prévus pour la vente de décembre 1939
qui n’avait pu avoir lieu furent pillés. Le trésorier
résidait en zone libre, le président, en zone occupée et
l’envoi des secours devenait très difficile. Et en 1943
le trésorier (le médecin général inspecteur Oberlé) ne
pouvant assurer ses fonctions en raison de son état de
santé, il fut fait appel au médecin colonel Poy pour le
remplacer.
Après la guerre il fallut, une fois de plus, reconstruire.
Après avoir présenté à l’Assemblée générale du
10 octobre 1945 un compte minutieux de sa gestion
pendant ces années pénibles, le Médecin général
inspecteur Sieur qui avait 85 ans remit entre les mains
du Médecin général inspecteur Marland les destinées
de la Société. « […] les vingt et un ans qui se sont
écoulés ont renouvelé la majeure partie des membres
du Corps de Santé, si bien que je suis un inconnu pour
la plupart d’entre eux, et qu’après la tourmente que
nous venons de subir, la remise en marche de notre
Société exige la présence d’un Président plus jeune et
connu de tous. […] Qu’il me soit permis en terminant
de m’adresser une dernière fois à l’esprit de solidarité
de nos camarades pour qu’ils fassent partie de notre
association. Depuis sa création, la Société a soulagé
bien des misères et permis à de nombreuses veuves
d’élever leurs enfants. Certains parmi ceux-ci ont suivi
la carrière paternelle et l’un d’eux a fourni l’une des
premières victimes médicales de la nouvelle guerre ».
Ainsi s’exprimait le président sortant. Nommé
président d’honneur, le Médecin général inspecteur
Sieur allait enfin pouvoir jouir pendant dix ans encore
d’un repos bien gagné.
Médecin Général JAULMES †